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Arnold von Harff

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Arnold Von Harff
Biographie
Naissance
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Château Harff (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
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Activité
Autres informations
Grade militaire
Distinction

Arnold von Harff (1471 au château Harff, Bedburg - janvier 1505) est un voyageur allemand du XVe siècle originaire de Cologne, qui s'est rendu dans plusieurs pays afin d'en étudier brièvement les mœurs et les langues. Il récolta et mit par écrit toutes ces informations. Il a étudié plusieurs langues durant son voyage (1496-1499) : le breton, le slovène, le turc, le biscayen (le basque), l'hébreu, le « sarrazin » (l'arabe), l'albanais, le hongrois, le syrien, l'« éthiopien » (l'amharique), l'arménien.

La langue bretonne

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Il s’est rendu en Bretagne, dans la ville de Nantes, en 1499. À cette période (en 1491) le roi de France, Charles VIII avait divorcé de la sœur de Maximilien d'Autriche, roi de Germanie, futur empereur du Saint-Empire romain germanique, pour épouser la fiancée de cet empereur, Anne de Bretagne. Les tensions diplomatiques étaient donc importantes et cela explique peut-être en partie pourquoi le chevalier Von Harff s'est rendu dans le duché de Bretagne, qui devait être « à la mode » à cette époque.

Dans cette ville de Nantes ou dans son voisinage, il releva un glossaire de langue bretonne. Ce glossaire est très intéressant pour plusieurs raisons :

  • On apprend aussi qu'à Nantes, les mutations (changement de la première consonne d'un mot à la suite de différents facteurs) connues dans les autres dialectes bretons étaient très peu utilisées.
  • On apprend que la différenciation de l'article indéfini un (um devant p, b) ne s'était pas encore faite en un, ur, ul. Il devait en être de même pour l'article défini an, am.
  • Enfin, certains chercheurs comme Guyonvac'h ont vu dans le breton collecté une forme dialectale proche du vannetais et probablement du breton de Guérande qui fut parlé à Batz-sur-Mer jusqu'au début du XXe siècle (voir l’article Breton de Batz-sur-Mer).

Le récit de Von Harff reste toutefois trop lacunaire et il est impossible de savoir si le chevalier a collecté lui-même le contenu de son glossaire auprès d'une population bretonnante ou bien s'il a fait traduire une série de termes par un informateur trilingue[1].

Citations (traduction en français)

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« C'est une très jolie petite ville forte, renforcée de murs et de tours. Au nord, il y a un château-fort et, vers l'ouest, avec de très forts murs, des fossés munis de remparts, et il y a une porte fortifiée et ornée, ainsi que je l'ai vue. C'est là que le roi Charles de France a fait campagne, qu'il l'a forcée et bombardée pendant sept semaines; qu'il n'a pas bien réussi, mais qu'il l'a eue ensuite par la ruse et la guerre. »

« Item : cette ville de Nantes (Nantis) est entre deux eaux courantes. L'une d'elles s'appelle la Loire (Lier). Là où nous sommes arrivés, elle s'est partagée en six bras et sur chacun il y a un pont de bois. Un pont de pierre passe encore au-dessus d'un mauvais marécage d'environ trois cent cinquante pas de long. Ce sont donc sept ponts avec six bras de rivière avant qu'on n'entre dans la ville de Nantes et au-dessus de chaque bras de rivière, il y a un beau faubourg. Cette autre rivière s'appelle l'Erdre (Ardon) et elle coule dans la plaine qui entoure la ville. »

« Item : à ce grand fleuve appelé Loire se termine le pays de Poitou et commence ce pays de Bretagne que nous nommons Britania, un duché particulier qui est maintenant tout français. »

« Item : à l'intérieur de cette ville, près du château, ils construisaient une jolie cathédrale à Saint-Pierre, un évêché. Dans cette église reposent beaucoup de corps de saints. Les noms nous en ont été inconnus. »

« Item : ici à Nantes on fait de très bonnes lames de couteaux. »

« Item : dans cette ville et dans toute la Bretagne les femmes portent communément deux longues cornettes entourées de tissu sur la tête, une au-dessus de chaque oreille de cette manière. »

(ensuite il y a une illustration)

Glossaire bas-allemand/breton

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page du manuscrit de Arnold von Harff, montrant le glossaire breton-bas allemand sous une image du costume de Nantes

« Item, les Bretons, ou bien en Bretagne, ils ont une langue propre dont j'ai retenu quelques mots, ainsi qu'il est écrit ci-dessous: »

bas allemand breton médiéval de Nantes[2] breton moderne français
Broit bara bara pain
Wijn gwin gwin vin
Wasser doir dour eau
Fleysch kick kig viande
Keess follideck fouloudeg, keuz fromage
eyer ony ur vi ("un u" dans le Tregor) un œuf
Essich gwinagere gwinegr vinaigre
Eyn hoen oinge un evn(ez), ur yar une poule
eyn visch pisket pesked du poisson
Sals haelen holen du sel
Guet mat mat bon
Buess drock drouk mauvais
Ich me me moi, je
Jae ja ya oui
Neyn narinck nann (ne rin ket) non
Eyn man noetz un den un homme
Eyn frauwe honoreck ur wreg une femme
Got doie doue dieu
Der duuel deabole diaoul diable
Eyn wijrt am mestres ar vestrez l'hôte
Eyn wirinne annetisses an ostizez l'hôtesse
Essen dribit debrit (debriñ) manger
Drincken hifit evit (evañ) boire
Slaeffen gorwet kousket (gourvezet : allongé) dormir
eyn kertz golo gouloù (goulaouenn) bougie
Heuwe fenun foenn foin
Stroe kolun kolo (vannetais "koloñ") paille
Quelques chiffres
bas allemand breton médiéval de Nantes[2] breton moderne français
Eyn vin un un
Tzewy duwe daou deux
Drij try tri trois
Vier peier piar (en vannetais) quatre
Vonff pempe pemp cinq
Sees gwech c’hwec’h six
Seuen see seih (en vannetais) sept
Acht eiff eih (en vannetais) huit
Nuyn nae nav neuf
Tzeyn deck dek dix
Hundert caut kant cent
Dusent mile mil mille
Quelques expressions courantes
Français moyen Breton de Nantes breton moderne
Donne moi de l'avoine Madan meker Ro din-me kerc'h
Bonjour Dematio Demat deoc'h
Bonsoir Nosmat Noz vat
Où est la route pour Rennes ? Madin nent la renis ? E-men emañ an hent etrezek Roazhon ?
Comment cela s'appelle-t-il ? Pe gauo eo ? Pe anv eo ?
Je veux payer Me vel tin paia Me a fell din paeañ
Lavez ma chemise ! Gwalget mar rochet ! Gwalc'hit ma roched !

Itinéraire de Nantes à Rennes

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La ville de Rennes

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C’est une très belle ville située en Bretagne, soumise à la couronne de France. À travers la ville passe un petit fleuve nommé la Vilaine (Vilanga). Ici, à l’intérieur de la ville, il y a une belle cathédrale Saint Pierre, un évêché. Item, vers l'est au bout de la ville, près de la porte, il y a un beau couvent de filles nobles, du nom de saint Georges. Dans la sacristie on montre les ossements de Saint Georges et beaucoup d'autres objets sacrés. Et cette ville de Rennes a beaucoup de faubourgs.

Itinéraire de Rennes vers la Normandie

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Nous passâmes par une forêt d'un demi-mille de long. C'est une petite ville : un fleuve la traverse, appelé le Couesnon (Sqwanum). Et ici se termine le duché de Bretagne, nommé Britania. Et plus loin, c'est le duché de Normandie, soumis à la couronne de France.

Notes et références

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  1. KLAUS SIEWERT, « Das bretonische Glossar im Reisebericht des Ritters Arnold von Harff », zcph, vol. 44, no 1,‎ , p. 244 (ISSN 0084-5302 et 1865-889X, DOI 10.1515/zcph.1991.44.1.239, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b le breton médiéval est noté en orthographe bas allemande.

Bibliographie

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  • Émile Ernault, Le Breton d'Arnold von Harff, H. Champion,
  • « Le breton d'Arnold Von Harff », Celticum, no 22,‎
  • Christian-Joseph Guyonvarc'h, « Aux origines du breton: Le glossaire vannetais du Chevalier Arnold von Harff, voyageur allemand du XVe siècle », Ogam Celticum, no 26,‎
  • Klaus Siewert, Das bretonische Glossar im Reisebericht des Ritters Arnold von Harff, Zeitschrift für celtische Philologie, 44, 1991